La bande-annonce suggérait une bonbonnière déguisée en film, avec Keri Russell en Amélie Poulain pâtissière de l’Amérique profonde. La réalité du film est tout autre, très dure et inattendue. C’est comme un exercice de style : vous avez perdu vos chaussettes, adoptez le ton d’un polar, 25 lignes maximum. Ici, c’est l’histoire d’une jeune serveuse dans un ‘diner’, mariée à un homme possessif et violent, et dont le quotidien laisse peu de place à l’espoir : non contente d’être pauvre et malheureuse en amour, elle tombe enceinte de ce mari qu’elle abhorre.
Adrienne Shelley a décidé pour ce scénario à la Carson Mccullers (qu’elle a écrit elle-même) d’opter pour une narration digne d’un conte de fée, prenant appui sur les tartes confectionnées avec amour par l’héroïne pour décoller du réel. Ces tartes ressemblent à l’idée qu’un enfant se fait d’une confiserie : à la guimauve, crémeuses, meringuées. Elles sont l’arme magique de l’héroïne, sans laquelle elle ne serait qu’une ordinaire serveuse- mais ajustées à un imaginaire d’enfant. (J’ai entendu des manifestations de dégoût dans la salle pleine d’adultes pendant le générique, qui s’ouvre sur la préparation d’une pléthore de tartes technicolors)
Il y a donc un grand écart entre la forme et le fond- une rude réalité, et un ton enchanté, humoristique, laissant entrevoir une envolée vers le merveilleux. La réalisatrice lance le spectateur sur de fausses pistes (un concours de tartes, un gynécologue enflammé), pour mieux les réduire en bouillie. On reste avec le glauque, l’attente d’un événement qui ne vient pas et qui rend le film encore plus dur.
Quand elle finit par accoucher à la fin du film, pleine de mauvaise volonté, encore cynique, comme un mur sur lequel tout glisse, elle en est transfigurée. La grossesse, qui semblait son plus féroce geôlier, la maintenant de force dans sa détresse conjugale, s’avère être l’élément tant attendu. Elle quitte son mari, rompt avec le médecin, et se consacre entièrement à son enfant et ses tartes. L’indépendance vient avec l’accouchement, et tout le film semble avoir été un chemin de croix vers la maternité.
Ca m’avait un peu chiffonnée, je l’admets: je trouvais l’ode à la maternité très poussé. Et puis j’ai décidé que je pouvais l’interpréter comme je voulais : j’avais pris le film pour une fable et la fin pour une morale. Je m’étais sentis acculée à penser : ô oui, qui a besoin des hommes quand on a un enfant. Mais c’est finalement l’histoire d’une fille particulière en particulier, et toute la magie insufflée par la réalisatrice, certes inspirée par la joie de devenir mère, l’est aussi par la singularité et la grâce du personnage.
PS: C’est aussi le dernier film d’Adrienne Shelley (qui a un rôle secondaire dans le film), morte dans des circonstances tragiques en Novembre 2006. Je suis contente de ne l’avoir su qu’après avoir vu Waitress, sans quoi la projection aurait été plus qu’éprouvante.
1 commentaire:
Je suis d'accord avec toi, la fin du film m'avait chiffonnée, mais il faut le prendre comme ça, bien trouvé !
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