Avant d’entamer ce billet, je dois faire un aveu embarrassant :
C’est délicat.
Je suis le chat du 5ème étage, répandu sur ses coussins sous les toits. Mon fauteuil a vue sur la lune, et je me traîne La Terre Sous ses Pieds de Salman Rusdhie depuis 2 mois, 20 jours et beaucoup de poussière. La Gravité, mes amis, me laisse la mâchoire pendante.
Oh, il a voyagé ce livre- il a vu le jour à Londres, il a visité Paris et l’Andalousie- il me suit fidèlement dans mes pérégrinations oisives. Mais ça n’est pas un homme, sacrebleu, c’est un livre! C’est censé se commencer et se finir.
Bien entendu, de nombreuses raisons tout à fait honnêtes et terriblement rationnelles expliquent ma lenteur :
- J’adore lire au lit. Malheureusement, ma relation au lit est très littérale : quand j’y suis, pathologiquement, je m’endors.
- Je n’ai pas été fidèle à Salman, dont l’intensité m’a effrayée. J’ai eu quelques conversations amoureuses avec un Artiste (descendant l’escalier, Tom Stoppard), et fait les yeux doux au mari d’une autre (May we borrow your husband?, Graham Greene). Ce sont donc mes mœurs légères et mon absence totale de morale qui sont à blâmer. PAS ma lenteur.
- J’aime tellement ce roman que je retarde le moment d’arriver à la dernière page. Cette odyssée du rock au style flamboyant, cette nouvelle mythologie délirante qui naît sur les cendres de légendes passées est une aventure formidable. Je prends mon temps.
- Aussi, il fait 575 pages, sans images.
Alors si ça fait de moi une lectrice tortue, j’assume.
Comme tu n’es pas sot, lecteur, tu as bien vu qu’il lit que des conneries, le Banquier (pardon Raymond, mais ma crédibilité dépend de cette généralisation).
L’insoutenable légèreté d’être à Aberystwyth, vraiment.
A la limite, je m’en moque, et j’admettrais même sans moufter que Buzz l’éclair soit plus vorace que moi s’il n’avait pas la condescendance belliqueuse.
Il a dit ça. C’était le mardi 13 Novembre 2007, il faisait 11 degrés et tempête.
Mais ça n’est pas tout. Parce que les Banquiers, ça se promène en grappes. C’est solidaire, ça veut montrer que ça a de la culture, et ça devient ARROGANT.
Banquier A a donc, parmi sa grappe, un ami (que nous appelleront B, car nous sommes, bien que rancuniers, charitables et respectueux de l’anonymat d’autrui). B m’envoie un texto pour me suggérer un livre, irrévérencieux et drôle. (L’Elégance du Hérisson, quelqu’un connaît ?)
Je lui envoie aussitôt un message, aérien, futile… frivole. Bon ok, un message vain, mais plein d'auto-dérision. Je souhaiterais emprunter le livre, si possible- je n’ai plus l’habitude, écris-je, de débourser de l’argent pour autre chose que des petits souliers à paillettes.
Je m’attends à une réponse amusée, complice, taquine - ma foi en la Banque et ses Créatures est grande (et furieusement injustifiée, nous l'allons montrer tout à l'heure).
Je reçois :
« On ne peut pas jurer par le dieu Littérature et ne faire d'offrandes qu'à la déesse Mode.”
A ces brutes en vadrouille, ces néo-hommes des bois sans mâchette à souris, je n’ai qu’une chose à dire:
Et puis voici mon coeur qui ne bat que pour vous
Ô Wenchangdijun.