dimanche 9 décembre 2007

Hell hath no fury

Bon, alors à force d’entendre parler de livres partout par une bande de jolies snobinardes (Magda en tête de file), je me suis dit: merdouille, je ne suis ni gueuse ni illettrée, moi aussi je peux causer bouquin.

Avant d’entamer ce billet, je dois faire un aveu embarrassant :


Plus, plus vite, plus gourmand.

C’est délicat.

Je suis le chat du 5ème étage, répandu sur ses coussins sous les toits. Mon fauteuil a vue sur la lune, et je me traîne La Terre Sous ses Pieds de Salman Rusdhie depuis 2 mois, 20 jours et beaucoup de poussière. La Gravité, mes amis, me laisse la mâchoire pendante.

Oh, il a voyagé ce livre- il a vu le jour à Londres, il a visité Paris et l’Andalousie- il me suit fidèlement dans mes pérégrinations oisives. Mais ça n’est pas un homme, sacrebleu, c’est un livre! C’est censé se commencer et se finir.

Bien entendu, de nombreuses raisons tout à fait honnêtes et terriblement rationnelles expliquent ma lenteur :

- J’adore lire au lit. Malheureusement, ma relation au lit est très littérale : quand j’y suis, pathologiquement, je m’endors.

- Je n’ai pas été fidèle à Salman, dont l’intensité m’a effrayée. J’ai eu quelques conversations amoureuses avec un Artiste (descendant l’escalier, Tom Stoppard), et fait les yeux doux au mari d’une autre (May we borrow your husband?, Graham Greene). Ce sont donc mes mœurs légères et mon absence totale de morale qui sont à blâmer. PAS ma lenteur.

- J’aime tellement ce roman que je retarde le moment d’arriver à la dernière page. Cette odyssée du rock au style flamboyant, cette nouvelle mythologie délirante qui naît sur les cendres de légendes passées est une aventure formidable. Je prends mon temps.

- Aussi, il fait 575 pages, sans images.

Alors si ça fait de moi une lectrice tortue, j’assume.

Sauf qu'entre temps, le Banquier a englouti - ça:



Comme tu n’es pas sot, lecteur, tu as bien vu qu’il lit que des conneries, le Banquier (pardon Raymond, mais ma crédibilité dépend de cette généralisation).
L’insoutenable légèreté d’être à Aberystwyth, vraiment.


A la limite, je m’en moque, et j’admettrais même sans moufter que Buzz l’éclair soit plus vorace que moi s’il n’avait pas la condescendance belliqueuse.









Il a dit ça. C’était le mardi 13 Novembre 2007, il faisait 11 degrés et tempête.

Mais ça n’est pas tout. Parce que les Banquiers, ça se promène en grappes. C’est solidaire, ça veut montrer que ça a de la culture, et ça devient ARROGANT.

Banquier A a donc, parmi sa grappe, un ami (que nous appelleront B, car nous sommes, bien que rancuniers, charitables et respectueux de l’anonymat d’autrui). B m’envoie un texto pour me suggérer un livre, irrévérencieux et drôle. (L’Elégance du Hérisson, quelqu’un connaît ?)

Je lui envoie aussitôt un message, aérien, futile… frivole. Bon ok, un message vain, mais plein d'auto-dérision. Je souhaiterais emprunter le livre, si possible- je n’ai plus l’habitude, écris-je, de débourser de l’argent pour autre chose que des petits souliers à paillettes.

Je m’attends à une réponse amusée, complice, taquine - ma foi en la Banque et ses Créatures est grande (et furieusement injustifiée, nous l'allons montrer tout à l'heure).
Je reçois :

« On ne peut pas jurer par le dieu Littérature et ne faire d'offrandes qu'à la déesse Mode.”

A ces brutes en vadrouille, ces néo-hommes des bois sans mâchette à souris, je n’ai qu’une chose à dire:




Voici des oeufs, des fleurs, des pompes et des branches
Et puis voici mon coeur qui ne bat que pour vous

Ô Wenchangdijun.


vendredi 7 décembre 2007

Ode à Gontran

Je l'ai reconnu dès que je l’ai vu.

Ce jour-là, je fêtais mes 25 printemps. Je venais de lâcher mon boulot de prof et j’étais plus légère de 150 bambins –volatile– un vrai ballon à hélium. C’était l’été, un mois de Juin chaud et enrobant, et mes petits pas réchauffés, comme des oisillons au soleil, m’avaient amenée à Camden.

Dans la horde joyeuse, mi-hippie mi-punk, je l’ai vu. Au fond d’une boutique, dans le marché couvert. La pièce était pleine de bric-à-brac, mais on ne voyait que lui. Il avait quelque chose de terriblement distingué, un rien désuet, et le regard de Blaise Cendrars. Un manteau flamboyant, une extravagance nonchalante. J’ai beaucoup voyagé, j’ai vécu- semblait-il dire. Je suis prêt à me poser.

Il m’a fait un clin d’œil, je jure que c’est vrai. C’est là que j’ai abandonné mari et enfants (sur le pavé) net. Et j’ai couru me jeter sur ses genoux.

Voilà, je peux m’en vanter. C’est moi qui ai fait de lui ce qu’il est aujourd’hui. Je l’ai trouvé dans la rue, orphelin, mal aimé. Je l’ai couvert d’amour et de mots tendres. Mon affection a nourri son âme, lissé son pelage, lui a restauré sa splendeur d’antan. Il a rosi sous mon regard amoureux.

Je l’ai ramené chez moi, et depuis je le zyeute tous les jours avec extase, j’en perd tout sens critique, comme une maman poule gaga devant son mouflet.


Je l’ai acheté 130 euros. Gontran, c’est le plus beau de tous les fauteuils.




Là, il attend le bus avec Slash. C’est le début d’une amitié magnifique.


Non content d’être beau, Gontran est un fauteuil magique. Quand on s’y pose, on découvre monts et merveilles. Les Bisounours, le Dôme du Plaisir et tout Xanadu surgissent d’une sieste avec lui. On y voit le ciel, les avions qui partent de Stansted, mais aussi,


comme un point collé au carreau d’une fenêtre,


la lune.




Et parfois même un arc-en-ciel.


Tout le cosmos pour £100. C'est donné, non?


lundi 29 octobre 2007

L'Expo Millais - Salon Mondain


‘O moses what a precious lot

Of beautiful red hair they’ve got!

How much their upper lips do pout!
How very much their chins stick out!


Du Maurier, Punch


J’y suis allée en battant des cils. Tate Britain, 11h30, un jeudi. Je me croyais plus intelligente que tout le monde: j’évitais le weekend, la foule, les touristes, les mioches, les râleurs, les extasiés, les enthousiastes, les retraités et les inéluctables qui, inéluctablement, se remémorent les meubles de leur grand-mère en regardant les vieilles toiles.

Eh bien, cher lecteur, je n’ai pas raté mon coup.

Ils étaient tous là.


Depuis, j’ai lu dans une revue respectable qu’aimer les préraphaélites est
intrinsèquement anti-cool. C’aurait été chouette d’être prévenue AVANT.
Avant de me retrouver coincée entre des chaussettes à sandales,
des fauteuils roulants en folie et des grappes de quinquagénaires libidineux.

...
N’empêche, ma Cour des Miracles et moi, on aime notre Millais.
Et on a plein de choses fantastiques à en dire.


Cherry Ripe 1879



Ophelia 1851-2




The Proscribed Royalist 1651, 1853




The Blind Girl 1854-6



Après l’étude en détail du premier précèpte de cette joyeuse confrérie (Avoir des idées personnelles et originales à exprimer, ndlr), je nous propose d’entamer l’analyse de la deuxième déclaration fondatrice du mouvemement:

Étudier la nature attentivement de manière à savoir comment la rendre en art

(Autrement connue sous le nom de Non-Mouvement Absolu et Sans Appel, re-ndlr)

Sa flore est effectivement extrêmement détaillée. Je pense que Millais, ce charmant acharné, n’a pas laissé une feuille, sacrifié la moindre tige, ni abandonné une traître épine au hasard, et je crois sincèrement que, branches et mousses confondues, ils se tutoyaient tous en se tapotant l’épaule virilement.

Mais c’est vrai qu’elle s’embourbe, l'Ophélie.

Et dans un décor au moins aussi naturel que les studios des Feux de l’Amour.

Hearts are Trumps: Portraits of Elizabeth, Diana, and Mary,
Daughters of Walter Armstrong, Esq.
1872

Je me demande d’où lui venait cette lourdeur, ce confinement, cet amour inouï du statique.

Une salle surexcitée tournée vers des toiles figées. Les tableaux de Millais le sont particulièrement : touffus, chargés, compacts, étouffants. Et le contraste entre ces deux extrêmes pareillement denses - la horde en sandales et les regards rêveurs de jeunes filles fleuries- m’a donné envie de me jeter dans la Tamise.

Finalement, j’ai opté pour un burger. Le meilleur de Londres.

Parce que l’art, c’est bien beau les amis, mais ça ne nourrit pas ses fans.

( Et pour en finir, je dois avouer m’être très mal comportée vis à vis de la troisième règle préraphaélite:

Être favorablement disposé à l'égard de ce que l'art a produit jusqu'à présent de direct, de sérieux et de sincère.


Pardonnez-moi mon Frère mais j’étais fatiguée)

mercredi 3 octobre 2007

Treeful of Starling (Hawksley Workman)

Un album intime comme un tête à tête au coin d’une cheminée avec un troubadour,
quand dehors il fait tempête.

Hawksley Workman, auteur, compositeur et interprète canadien, est un croisement entre Freddy Mercury et Jeff Buckley, capable d'une gymnastique vocale qui ferait pâlir de rage Céline Dion.

Il nous avait habitués à un style furieusement glam-rock, ultra-saturé, et des morceaux dévergondés aux rythmes décoiffants (Striptease et Jealous of your Cigarette, dont le titre farfelu rend à peine justice au souffle débridé qui habite la chanson). Après avoir vendu son âme à Universal en 2003 avec le populaire mais décevant Lover/Fighter, ce showman excentrique revient à ses origines folk et signe un album à la poésie intemporelle, Treeful of Starling (2006), une série d’hymnes dédiés à « une planète mourante et une culture en décrépitude».


J’ai attendu l’automne pour l’écouter, et je le découvre cet après-midi à la grisaille presque hivernale. La voix chaude du chanteur m’enrobe comme une large couverture, et les chansons s’égrènent, douces et mélancoliques. C’est une mélancolie attendrie, consolante et d’une poesie évocatrice. Car Hawksley Workman est un poète qui forge ses textes avec minutie, un véritable conteur qui donne vie à chaque mot et embarque ses auditeurs dans un voyage autour de leur chambre. La musique est ici dépouillée de ses artifices et les mélodies sont impeccables. Reste son timbre de voix absorbant. Chanteur épique des passions intérieures, avec lui, le temps se fige et le monde devient mythe.

Neuf ballades plus tard - silence.

L'album est court comme une parenthèse rêvée. Apres l’avoir écouté, j'ai dû regagner la frénésie ambiante, la tête dans les nuages, avec le souvenir encore chaud d’un paradis perdu.






Des problèmes de cheveux? C'est par .








vendredi 21 septembre 2007

Les Hydropathes


Hydropathes, chantons en cœur

La noble chansons des liqueurs
Charles Cros

William Hogarth. An Election Entertainment. 1755



Pour un peuple insulaire et si fréquemment arrosé, les Anglais ont choisi une drôle de phobie. J’ai nommé, leau.

Ami des paradoxes, l’Anglais s’imbibe très régulièrement, mais exclusivement de bière. L’être massif et pâlichon à l’humour embarrassé disparaît subitement, et il naît alors une drôle de créature hâbleuse, rougeaude et furieusement bruyante.

Je suis un tantinet mauvaise, mais je force à peine le trait. C’est très simple au fond : il y a un mode ON, et un mode Off.


La semaine dernière, tous mes collègues sont allés au pub pour leur rituel du vendredi soir. On boit, on drague, on s’écroule en famille- c’est très fin de race, un sport hebdomadaire et consanguin. J’y suis allée pour le départ d’une amie, et j’en ai eu pour mon argent. En l’espace de quelques heures, j’ai vu tout le système hiérarchique du bureau et le concept de dignité humaine voler en éclats. Ca se trémoussait, ça se languissait d’amour, ça faisait sa parade amoureuse. Les commérages allaient bon train, inventés de toute pièce.

J’y suis allée armée de mes deux meilleurs collègues, une douce Janine au tempérament serein et un jeune albanais charmant et roublard. On se paie à boire, on s’assoit gentiment à une table avec vue, et, paresseux et fauchés, on se dit que la montagne viendra forcément à Mahomet.

La montagne ne se fait pas désirer, et nous apparaît sous la forme improbable de…


Mon Boss



Un schtroumpf célibataire (1,50m les bons jours) qui a mis sa plus belle robe pour aller danser. Il a 2 heures et 3 pintes d'avance sur nous. Il porte un chapeau de cowboy, un manteau en cuir brun qui lui arrive aux chevilles, et ne lâche pas son jouet fétiche: un pistolet à eau jaune miniature.


C’est un petit bouchon qui drague tout ce qui bouge. Il a l’air présentement très attiré par mon Gin&Tonic.
Il s’en approche dangereusement et murmure un drôle de commentaire sur les glaçons dans mon verre, tout en jouant avec son pistolet.


Je manque m’étrangler sur mon glaçon et cours me réfugier dans les jupons de



Mon Collègue Colombien


Avec de l’alcool, ce grand beau garçon est devenu Mère Razoire. Il me parle de ses buts professionnels, ses espoirs, sa couleur préférée et le nombre d’enfants qu’il veut avoir. Il est très précis, m’explique le pourquoi de son comment, et étaie chaque déclaration d’une anecdote explicative.

Puis il pose, avec la plus grande bienveillance alcoolisée (c’est à dire avec une mièvrerie dégoulinante) des questions sur ma vie à moi, personnellement. Mes buts, ce que je pense du mariage, la famine, ma carrière , les pandas...


Je suis au bord de la crise de nerfs,
alors je lui tourne le dos et me retrouve face à face avec…




La soeur Dudit Collègue


Maria, une grande fille sympa, biologiste de formation. Elle a le physique d’une petite fille un
peu costaude, qui aurait grandi d’un coup.

Avec ses drôles de proportions, elle me tombe dans les bras quand je lui donne mon age (26 ans) parce que, tiens-toi bien: elle aussi a 26 ans!
Le monde est petit, et moi aussi, écrasée par son grand format.

En plus, elle adoooooore le français. Elle n’y comprend nicht, mais quand elle m’entend parler, ça lui donne des frissons. Et maintenant qu’on est copines, elle demande à mon petit Albanais si on est un couple. Devant moi. En utilisant la troisième personne. Parce que le bruit court que..


Légèrement embarrassé, il lui dit non. Sur quoi elle décrète en me regardant droit dans les yeux qu’elle déteste les copines jalouses et demande avec un sourire innocent (mais une gestuelle TRÈS assurée) si elle peut lui mettre la main sur la cuisse. Je reste coite, l'Albanais prend peur. Elle s’exécute sans attendre de réponse.


Là, je me dis que je suis de trop, et pas tout à fait de taille, alors je bondis comme un beau diable sur…



L’Illuminé

Il revient d’Espagne, il a aaaadoré. C’est merveilleux, l’Espagne. Les Espagnols sont beaux, sympas, vraiment cool. Les gens savent vivre là-bas, faire la fête, pas comme ici. D’ailleurs il est en train de mettre de l’argent de côté pour y retourner, est-ce que j’y suis déjà allée ? Non? Dommage ! Il faudrait vraiment que j’y aille, c’est dingue comment on se sent interpellé par une culture différente et une langue etrangère, on a vraiment de la chance d’être en vie, tu trouves pas ? Ce matin, sous la douche, je pensais à…


Du coin de l’œil, je distingue une forme pâle qui s’agite fébrilement.

Est-ce un fantôme, est-ce un avion, est-ce un nuage ? Non, c’est…


Le poisson rouge

Blond-roux, lourdaud mais gentil. Il a bu, et quand il boit, Oli devient muet. Il fait des va-et-vient dans son bocal, regarde les gens avec des yeux de Merlan frit et gesticule de façon incompréhensible.
Là, il essaie de me dire quelque chose. Il flotte, écarquille les yeux, bat des nageoires. Pas un son ne sort de sa bouche. Je lui souris, je le taquine, je l’engueule. J’en viens presque à le brutaliser.

Avant de l’assommer, je tourne les talons et me retrouve face à



Un parfait inconnu

Mais non, ça n’est pas un inconnu. Lui, il connaît ma sœur. Alors, collègues ET liés par un membre de ma famille, on est doublement intime. On peut se faire la bise, quoi. Waow, on se ressemble vachement avec ma sœur, sauf les cheveux. D’ailleurs, elle est plutôt cool, hein, ma sœur. Sans blague. Un peu féroce, mais il a rien contre. Elle ne m’a pas parlé de lui ? Ah bon.
On se refait la bise ?


J’ai la tête qui tourne et je ne sais plus aller. Marre des extasiés, des muets et des bécoteurs. Je prends Janine sous un bras et tire l’Albanais par la peau du cou. On se casse. Clopin clopant, à l’air libre, on se sent rescapé d’un vaisseau de Martiens. On est aussi super soulagé d’attraper le dernier métro

...

Qui ne démarre pas.


Ah, mais le métro londonien, c’est une autre histoire, les amis.


vendredi 14 septembre 2007

Citation du jour



Skill without imagination is craftsmanship and gives us many useful objects such as wickerwork picnic baskets. Imagination without skill gives us modern art.

Tom Stoppard, "Artist Descending a Staircase"





mercredi 12 septembre 2007

2 Days in Paris

Marion, photographe d'origine française, vit à New York avec Jack, architecte d'intérieur. Pour donner un nouveau souffle à leur relation, ils partent en voyage à Venise - mais leur séjour est gâché lorsque Jack attrape une gastro-entérite... Ils décident alors de se rendre à Paris où Marion a toujours des attaches.
(Merci au stagiaire anonyme chez Allociné)

Je ne sais pas ce qui est passé par la caboche de Julie Delpy. Peut-être l’Amérique lui est-elle tombée sur la tête, peut-être a-t-il fallu grossir le trait des personnages pour réussir à vendre le scénario. En tout état de cause, elle filme Paris comme un Américain. J’ai bien compris qu’il s’agissait du Paris vu par Jack, et les clichés veulent que la France soit le pays de la bonne cuisine, de la légèreté, des poseurs, de la grivoiserie et du vin. Mais dans le Paris de Jack, la nourriture est grasse et repoussante (ma baguette de chez Paul a failli me rester en travers de la gorge), l’humour graveleux, les artistes ont tous l’air débile et on nage en pleine hystérie. Ca n’est pas tant qu’ils ont l’air débile: ils le sont vraiment.

Quand le film commence, Marion ressemble à une poupée chiffonnée : adorable avec ses lunettes et son manque de sommeil (conséquence directe de 12 heures de train), elle semble martyrisée par son irascible Américain. Après une douche et une bonne sieste, elle se transforme en une espèce de créature mythomane et névropathe, et c’est au tour de Jack, tout juste grognon, d’endosser le costume de nounours tyrannisé par une belle famille gratinée. Il n’a pas ses repères, elle domine donc la situation- cela s’explique.
Voilà justement ce qui me chiffonne: tout s’explique. Delpy a concocté un scénario cohérent qui, si l’on tient compte des points de vue, tient parfaitement la route. J’en suis intellectuellement convaincue. Mais satisfaire mon intellect ne suffit pas quand les personnages inspirent qu’on leur fesse les joues dès qu’ils ouvrent la bouche.

Peut être que Paris me manquait, et exaspérée par Londres (bruyante, puante et où on bouffe mal) je n’ai pas supporté cette vision de Paris (bruyante, puante, et où on bouffe mal). Peut-etre aussi que ce film est plus agaçant que drôle, ce qui est malheureux, vous en conviendrez, pour une comédie.

lundi 10 septembre 2007

La misère est moins pénible au soleil



Pendant mon voyage en Grèce (lointain souvenir de jours meilleurs), je suis tombée rudement malade. Mais attention, j’ai bien choisi mon lieu : la luxuriante Naxos sur les rives de laquelle ce salopard de Thésée avait abandonné Ariane. Une fois arrivée dans ce port paradisiaque, je fus donc terrassée par la fièvre.

Parce que le soleil tapait trop fort, parce qu’il y avait une petite brise, parce que je voulais absolument porter ma robe de nymphe, parce que je suis une coquette petite nature,
parce que je le vaux bien.

Mais je m’écroulai avec dignité, non pas sur les rives, mais dans la charmante suite du non moins charmant hôtel Château Zevgoli, perdu dans le dédale de la vieille ville, avec vue sur la porte d’Apollon et un balcon en prime.



Je me faisais escorter sur la terrasse, on m’apportait des fruits et des livres.
L’homme chassait le petit déjeuner, et je souffrais sous le soleil ...
Une vraie petite Sissi des Iles Convalescentes.

Je lisais à l’époque « Dîner avec Perséphone », un récit de voyage, distrayant et très érudit, écrit par l’Américaine Patricia Storace lors de son séjour en Grèce. Elle avait visité Naxos et avait elle aussi souffert, il y a dix ans, des mêmes symptômes que moi après avoir quitté l’île.
S’en suit ce passage hilarant et très très révélateur sur l’âme grecque (et TOUT le bassin méditerranéen):

I am back on schedule, after a bout of flu – or of nothing, according to the Greek diagnosis. I had cancelled a dinner since I was sick, and the hostess asked me, “What are your symptoms?” Coughing, body ache, sore throat, clogged nasal passages, fever. “How many degrees?” she said. A hundred and one, I answered. “and what is normal on a Fahrenheit thermometer?” Ninety-eight-point-six, I said, feeling too feverish for all this medical inquiry. “Oh, then you don’t have fever,” she said. “Don’t I?” I said weakly. “No”, she said, “fever would be much higher, a hundred four, or a hundred five.” So I learned that in order to qualify as Greek fever, you must in fact be dying, your brain cells on the point of being comfortably medium rare. In fact, I’m not entirely sure there is such a thing as illness in Greece. Illness is what has killed someone. Life is suffering, illness is death.

* Il faut rendre à Racine ce qui est à Racine.
"Ariane, ma sœur, de quel amour blessée
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée !" (Phèdre, I, 3, v. 253-254)


mardi 4 septembre 2007

Citation du jour



"Il y a deux choses qui me plongent dans une angoisse métaphysique:
une montre qui marche, et une montre qui ne marche pas."


Emile Cioran

lundi 3 septembre 2007

Hampstead

Dimanche matin, on va à Hampstead. Encore plus au nord que Camden, c’est bien une demi-heure de bus - une expédition. Je prépare ma gourde, mon parapluie, mes chaussures de randonnée : je m’en vais découvrir les gens du Pôle Nord.
Je quitte mon petit quartier au charme BCBG et monte dans le bus : un vigoureux 24 qui déverse toute sa foule adolescente dans Camden avant de poursuivre sa route. Je m’assoie à l’étage, au premier rang. La meilleure place.


C’est
comme

voyager
à dos d’éléphant.

Une vue dégagée sur les avenues qui s’ouvrent à chaque tournant. On domine les voitures, on renverse les cyclistes, on écrabouille les passants.
Comme les élephants à deux étages se sont beaucoup reproduits à Londres depuis quelques années, il n’est pas rare de se retrouver à la queuleuleu parmi une horde de monstres rouges, comme un convoi de caravanes s’acheminant avec bonhomie aux 4 coins de la capitale.

Un léger malaise plus tard, on arrive à Hampstead. C’est vert, c’est beau. Tout le gratin littéraire et artistique de la fin 19ème-debut 20ème y a vécu. Je suis passablement impressionnée, pour la forme. Il y a des cafés partout, et exactement le même enchaînement de restaurants que dans mon quartier. Il y a beaucoup de montées, sur cette satanée colline, et je la déconseille aux vieux, aux éclopés et aux indolents. Je me pose dans un café pour récupérer. Le serveur/barman est un croisement entre Johnny Borrell et Boucles d'Or. Il porte des lunettes de soleil à l’intérieur : il est affreusement cool.
Après 25 minutes, la tête des gens ne me revient pas, et j’ai un pincement au coeur lamartinien en pensant à Marylebone (ou la Terre Natale): ô mon quartier à la marmaille dorée, ô rue aux poussettes chars-d’assaut, cafés aux femmes d’ambassadeurs, terrasses aux banquiers bellâtres, ô boutiques aux vêtements de vielle folle!

45 minutes après avoir mis les pieds à Hampstead, j’avais le mal du pays.

Vite, vite, j’ai avalé ma gaufre, englouti mon café et je suis sortie. En descendant l’affreuse montée (comme quoi Hampstead est conçue pour être quittée), j’ai découvert le cimetière des 24. Deux gros mammouths au moteur éteint, sans lumières- morts.
Une minute d’attente anxieuse, et vlà-t il pas que l’une des bêtes ressuscite. Je m’assoie à l’étage, au premier rang. La meilleure place.
J’arrive enfin chez moi, à l’ombre de la statue de Sherlock Holmes où le bourgeois porte du Polo Ralph Lauren, habille ses enfants chez The Little White Company, bref, où le bourgeois s’assume. Loin des excentriques excentrés de ce maudit village bobo qu’est Hampstead.

jeudi 30 août 2007

Elégie

Il fait presque moche - un entre-deux gris et de mauvais augure - ça sent l’orage et le drame.
La qualité rédemptrice de l’Angleterre, c’est qu’elle légitime les conversations météorologiques. En fait, elle fait plus que ça: à elle seule, elle est un manifeste sur la nécessité sociale de râler contre le mauvais temps. Ca crée des liens, une forme d’empathie, un socle commun. Comme la télé, le climat anglais est une culture populaire.

Ce temps me fait penser à Jean d’Ormesson, dans son Autre Histoire de la Littérature Française. Il parle de Marceline Desbordes, un(e) poète (je me pendrai avant de dire poétesse) qui s’est arraché les tripes et les a couchées sur le papier. Ni gore ni trash, juste incroyablement émouvante- chaque poème est une impeccable mélodie d’une tristesse absolue. Et il a appelé ça : des orages en rubans.
Il a choisi Marceline dans son anthologie, je sais. Il l’admire, ça va de soi. Mais je trouve cette expression, aussi imagée soit-elle, horriblement condescendante. Alors Baudelaire, c’est des extases-en-bordels, et Mallarmé, des nuages de papier.
Mais je n’arriverai pas à rendre compte de sa condescendance lapidaire en la transposant.

Marceline était femme et mère, et contrairement à George Sand, n’a jamais essayé de nier ce statut ou d’en revendiquer un autre. Dès lors, les hommes (même les plus féroces de l’époque) l’avaient adoptée: elle était le sentiment pur et sans artifice, la femme qui aime comme on voudrait être aimé quand on se prend pour un dieu. Baudelaire, Sainte Beuve, Hugo étaient tous des admirateurs. Et Verlaine s’en est même inspiré - elle n’inspirait pas qu’on lui jette un bénitier à la figure, comme la mère Sand. Elle souffrait sans outrepasser ses droits, une vraie glorification de l’épouse/mère.
C'est une horrible instrumentalisation masculine qui, sous couvert de flatteries, jette un exemple au visage des femmes : vous voyez, nous savons vous admirer quand vous n’outrepassez pas vos limites.

Mais assez de digressions, revenons à Marceline.

Si Sido, chez Colette, est la mère dans toute sa splendeur – une figure capitale, mythologique, quasi cosmique – Marceline est la mère dans toute sa douleur. Sa vie est terrible. Née a Douai en 1786, elle est orpheline à 15 ans, malheureuse en amour et, mère de 5 enfants, en perd quatre en bas âge. Une rivière douloureuse, des torrents de chagrin aux rythmes fluides et aux vers poignants. Les jupons n’ont rien à voir là dedans.

Voilà deux poèmes, que je ne peux pas lire sans sangloter (par conséquent, je ne m’y risque pas et rends grâce au copier-coller) :

A Inès, 11 ans, qui pensait être moins aimée que les autres et qu’elle a veillée 14 nuits avant de la voir mourir:

Inès

Je ne dis rien de toi, toi, la plus enfermée,
Toi, la plus douloureuse, et non la moins aimée !
Toi, rentrée en mon sein ! je ne dis rien de toi
Qui soufres, qui te plains, et qui meurs avec moi !

Le sais-tu maintenant, ô jalouse adorée,
Ce que je te vouais de tendresse ignorée ?
Connais-tu maintenant, me l'ayant emporté,
Mon coeur qui bat si triste et pleure à ton côté ?


L'âme errante

Je suis la prière qui passe
Sur la terre où rien n'est à moi ;
Je suis le ramier dans l'espace,
Amour, où je cherche après toi.
Effleurant la route féconde,
Glanant la vie à chaque lieu,
J'ai touché les deux flancs du monde,
Suspendue au souffle de Dieu.

Ce souffle épura la tendresse
Qui coulait de mon chant plaintif
Et répandit sa sainte ivresse
Sur le pauvre et sur le captif
Et me voici louant encore
Mon seul avoir, le souvenir,
M'envolant d'aurore en aurore
Vers l'infinissable avenir.

Je vais au désert plein d'eaux vives
Laver les ailes de mon coeur,
Car je sais qu'il est d'autres rives
Pour ceux qui vous cherchent, Seigneur !
J'y verrai monter les phalanges
Des peuples tués par la faim,
Comme s'en retournent les anges,
Bannis, mais rappelés enfin...

Laissez-moi passer, je suis mère ;
Je vais redemander au sort
Les doux fruits d'une fleur amère,
Mes petits volés par la mort.
Créateur de leurs jeunes charmes,
Vous qui comptez les cris fervents,
Je vous donnerai tant de larmes
Que vous me rendrez mes enfants !


Je ne sais pas pourquoi je nous inflige ça.
Son poème le plus connu, pour se changer les idées:

Les roses de Saadi

J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir.

Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;

La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.

lundi 27 août 2007

J'aime la nature


...mais à la télé, l’Amazonie.

Chaque printemps, je pense à cette phrase de Werber dans Les Fourmis: "Comme chacun le sait, les fourmis rousses se réveillent à 12 degrés de température-air, les termites à 13 degrés, les mouches à 14 degrés, et les coléoptères à 15 degrés."
Cette petite phrase à la sotte grammaire sonne pour moi comme le réveil des zombies.
Je passe la moitie de mon temps d’éveil à râler contre la chaleur, et l’autre à me battre contre les hordes de bestioles qui donnent l’assaut à mon appartement (dont les fenêtres sont grandes ouvertes pour lutter contre ladite chaleur- Ô monde cruel!).

BALTHUS Jeune fille à la fenêtre (améliorée)
J’ai bataillé contre plusieurs spécimens bagarreurs cet été, dont Ursula, une jeune araignée qui apparaissait et disparaissait selon ses lubies- un soir la salle de bain, le matin la chambre à coucher- et slalomait comme une furie sur une toile invraisemblable tissée dans mon salon. Elle aimait à se suspendre en particulier juste au dessus de mon Mac, qu’elle devait prendre pour le vaisseau-mère. Elle se balançait tranquillement au bout de son fil, et me regardait droit dans les yeux.
Ursula, je l’ai pourchassée 3 jours, maudite en 4 langues et aspirée 2 fois. La 2ème fut la bonne.

En me réveillant ce matin, j’ai vu la carcasse d’une pauvre coccinelle. Une petite malchanceuse au rouge cramoisi, écrabouillée sur le sol de la salle de bain comme une framboise. Un tableau tragique, comme la fin de l’été.
C’était une journée d’Août modèle. Un ciel parfait, une herbe vive. Je suis allée me promener à Regent’s Park pour essayer de trouver une coccinelle toute ronde de vie. En trottant sur la pelouse à petits pas inquiets, je me suis demandée combien d’insectes on aplatit par foulée. Deux, neuf, trente? Quelle densité de vie microscopique au centimètre carré?

On m’a traitée de bouddhiste, et on m’a expliqué ça :
Les moines Jaïns, végétariens extrêmes (et qui croient en la réincarnation et son cycle de renaissance) font tout leur possible pour éviter de causer de la souffrance à d’autres créatures, même par inadvertance. On peut les voir qui se promènent avec une balayette, brossant le sol devant eux pour éloigner toute bestiole susceptible de traîner sur leur passage. Quelle incroyable compassion. Quel délire humaniste.
Mais pour moi, malgré mes scrupules un peu niais, c’est la vilaine Dorothy Parker qui a le dernier mot :

Thought for a Sunshiny Morning

It costs me never a stab nor squirm

To tread by chance upon a worm.

"Aha, my little dear," I say,

"Your clan will pay me back one day."


Parker in French, zis way plise


samedi 25 août 2007

Citation du Jour


yoo-hoo!

"J'ai l'air stupide. C'est l'heure où mon esprit est au pâturage."

Jules Renard, 18 Mars 1899.
Pour plus de confiture à la belle étoile, cliquer ici...et ici aussi



hep, taxi!

vendredi 17 août 2007

Looking for Morphée. Un conte Moral.


Il y a les insomniaques, qui n’y peuvent rien, et ceux qui, pour avoir vieilli malgré eux, se réveillent de plus en plus tôt. Ceux qui bossent de nuit. Certains artistes, aussi, qui se concentrent mieux quand tout dort autour d’eux, et les papillons de nuit, qui préfèrent la vie dans le noir. Et il y a moi, les yeux exorbités, toute bête, toute seule, devant mon écran.
Ce n’est pas que je crée, ni que je souffre. Je ne fais pas la nouba non plus.

Je dors trop. Trop tôt, tout le temps, trop longtemps, tous les jours. Avec tout ce repos accumulé, je n’ai pas sommeil. Je dis oui avec la tête, non avec le corps. Il ne veut rien entendre, cet enragé- il est en forme. Et m on cerveau pavlovien bave de sommeil... Alors je traîne comme une âme en peine, et je rêve de dormir.

J’aurais jamais dû boire ce sale coca.

mercredi 15 août 2007

Waitress, d'Adrienne Shelly



La bande-annonce suggérait une bonbonnière déguisée en film, avec Keri Russell en Amélie Poulain pâtissière de l’Amérique profonde. La réalité du film est tout autre, très dure et inattendue. C’est comme un exercice de style : vous avez perdu vos chaussettes, adoptez le ton d’un polar, 25 lignes maximum. Ici, c’est l’histoire d’une jeune serveuse dans un ‘diner’, mariée à un homme possessif et violent, et dont le quotidien laisse peu de place à l’espoir : non contente d’être pauvre et malheureuse en amour, elle tombe enceinte de ce mari qu’elle abhorre.

Adrienne Shelley a décidé pour ce scénario à la Carson Mccullers (qu’elle a écrit elle-même) d’opter pour une narration digne d’un conte de fée, prenant appui sur les tartes confectionnées avec amour par l’héroïne pour décoller du réel. Ces tartes ressemblent à l’idée qu’un enfant se fait d’une confiserie : à la guimauve, crémeuses, meringuées. Elles sont l’arme magique de l’héroïne, sans laquelle elle ne serait qu’une ordinaire serveuse- mais ajustées à un imaginaire d’enfant. (J’ai entendu des manifestations de dégoût dans la salle pleine d’adultes pendant le générique, qui s’ouvre sur la préparation d’une pléthore de tartes technicolors)

Il y a donc un grand écart entre la forme et le fond- une rude réalité, et un ton enchanté, humoristique, laissant entrevoir une envolée vers le merveilleux. La réalisatrice lance le spectateur sur de fausses pistes (un concours de tartes, un gynécologue enflammé), pour mieux les réduire en bouillie. On reste avec le glauque, l’attente d’un événement qui ne vient pas et qui rend le film encore plus dur.

* SPOILER ALERT *

Quand elle finit par accoucher à la fin du film, pleine de mauvaise volonté, encore cynique, comme un mur sur lequel tout glisse, elle en est transfigurée. La grossesse, qui semblait son plus féroce geôlier, la maintenant de force dans sa détresse conjugale, s’avère être l’élément tant attendu. Elle quitte son mari, rompt avec le médecin, et se consacre entièrement à son enfant et ses tartes. L’indépendance vient avec l’accouchement, et tout le film semble avoir été un chemin de croix vers la maternité.

Ca m’avait un peu chiffonnée, je l’admets: je trouvais l’ode à la maternité très poussé. Et puis j’ai décidé que je pouvais l’interpréter comme je voulais : j’avais pris le film pour une fable et la fin pour une morale. Je m’étais sentis acculée à penser : ô oui, qui a besoin des hommes quand on a un enfant. Mais c’est finalement l’histoire d’une fille particulière en particulier, et toute la magie insufflée par la réalisatrice, certes inspirée par la joie de devenir mère, l’est aussi par la singularité et la grâce du personnage.

PS: C’est aussi le dernier film d’Adrienne Shelley (qui a un rôle secondaire dans le film), morte dans des circonstances tragiques en Novembre 2006. Je suis contente de ne l’avoir su qu’après avoir vu Waitress, sans quoi la projection aurait été plus qu’éprouvante.

mardi 14 août 2007


Il va encore pleuvoir.


lundi 13 août 2007

The Simpsons


L’humour caustique et le teint jaune, les Simpson débarquent sur le grand écran. Enfin, ça fait déjà quelques semaines qu’ils sont confortablement installés dans le peloton de tête du Box Office. Pari plutôt réussi pour cette adaptation: les blagues font mouche et le film part en digressions échevelées ici et là (avec notamment une technique de pêche et un amour de cochon à tomber de rire).

Les Simpson sont prisonniers consentants de leur intrigue, rondement menée, avec cependant l’inconvénient du laborieux trio introduction-développement-conclusion inhérent au long métrage. Un équilibre mignon entre bons sentiments et satire, très famille je vous aime, finalement trop Disney. Et c’est là que j’ai déchanté. Je ne les voulais pas si mignons ! Je ne m’en souvenais pas héroïques! La subversion délirante qui était la la marque de fabrique du programme est quelque peu estompée par une note finale en ode à la famille, probablement censée les humaniser, et qui fait basculer le film dans le politiquement très correct. Le bonbon acidulé cache un cœur de gélatine sirupeuse … D’oh !

samedi 11 août 2007

Citation du jour


"Les français écrivent mieux qu'ils ne pensent."

Firas Zenie, 11 Août 2007, sur le canapé.


vendredi 10 août 2007

Argh


J'ai commencé "Oscar et Lucind
a" de Peter Carey.
Parce qu'un gagnant du Booke
r Prize, c'est toujours très bien.


...et ben celui-là, il est plutôt sec.


jeudi 9 août 2007

Choc Esthétique

Le métro assourdissant hurlait autour de moi. J’étais debout, coincée entre un Viking et une cocotte. Je regardais bêtement dans le vide en essayant d’écouter ma musique. Quand soudain, un beau ténébreux au visage doux, une perfection brune gansée de soleil, assis, qui lit. Les épaules larges, le menton volontaire- l’archétype du mâle, là, devant moi. Alors je le regarde bêtement, en essayant d’écouter ma musique.
Bond Street. Il se lève.

*Mourir*

Un skinny serrissime qui lui fait des pattes de lutin efflanqué, deux tigettes ridicules sous un torse massif, enpantalonnées dans un tube qui censure tout sur passage. Mesdames et Messieurs, je vous présente l’homme qui n’avait pas de fesses. The bumless wonder. Son skinny lui tombe bien bas sur un postérieur inexistant et colle à ses grêles gamberges jusqu'à… des converses roses fluo. Il se lève, donc. Il gazouille en espagnol suivi par un autre miracle de la nature, tout juste échappé du Royaume des Farfadets.
Alors le skinny sur les filles, c’est déjà difficile- ça se divise en deux camps : le saucisson de Paris et l’allumette en détresse. Mais les hommes ! Espagnols, de sucroît ! Cette expérience désenchantée m’a rendue aimable vis a vis des mâles anglais arborant le skinny : ils survivront au grotesque de leur jean moulant. Après tout, ils ont pratiquement inventé le rock, eux.




mardi 7 août 2007

Dilemme



TRANSFORMERS...


Irai-je?


N'irai-je pas?

lundi 6 août 2007

Zorba l'Exubérant

Je viens de finir Zorba le Grec, de Kazantzakis. J’ai commencé ce roman à mon retour de Grèce, pour ma fuite trimestrielle vers des cieux plus cléments. C'était un séjour beau et clair comme un songe. La lumière, les îles parsemées ici et là, comme des galets entre lesquels on navigue – un vrai songe. Je pense d’ailleurs que la Grèce n’existe pas – c’est un rêve collectif, un espèce de mirage pour âmes en peine.

On sent quand on s’y trouve que la vie est faite pour être vécue. Puisqu’il faut manger, on mange bien, et on boit un vin gorgé de soleil. Quand il fait beau, on s’assoie a l’air libre et on parle. Pas avec l'avidité désespérée des occidentaux, avec le naturel nonchalant des nantis. La vie semble réglée sur des rituels millénaires, éprouvés et entérinés. Tout est comme il doit être sous la lumière blanche.

J’ai donc commencé Zorba par devoir. On m’en avait dit le plus grand bien, et après le récit circonstancié du séjour en Grèce d’un auteur Américain , j’ai voulu continuer sur ma lancée, à la poursuite de l’âme grecque, de l’intérieur, à travers ses classiques. Qu’Homère me pardonne, je ne l’ai pas encore approché- il me reste 2 millénaires de littérature à parcourir avant d’en amasser le courage.

Zorba, donc. C’est un personnage vraiment fascinant- minéral, sensuel, avec des états d’âme mais sans regrets, dur mais sans être cruel. Il est moulé dans une pâte complexe et dense, comme une mythologie sur pattes, avide de tout, avec un émerveillement d’enfant. Je suis peut-être trop molle- je n’ai pas eu envie de lâcher ce livre, bondir de mon fauteuil pour aller vivre, à tout prix. Je ne suis pas de ceux qui estiment que la vie est trop courte pour perdre des heures au cinéma- pour moi l’art dépasse de beaucoup la moyenne des vies sur terre. Par contre, depuis Zorba, quelque chose a changé : les activités quotidiennes nécessaires, j’ai envie de les faire bien, sans le dédain blasé de celle qui s’abaisse aux besoins prosaïques du corps. Cuisiner avec amour, manger avec appétit, boire goulûment, aimer avec élan, chanter à tue-tête et danser à en tomber de fatigue. Mais sur une côte crétoise ou dans l’Himalaya- pas à Turmills!

Il y a une beauté inouïe, sensualiste, romanesque, dans cette spontanéité ivre. J’ai refermé le livre avec nostalgie en ayant le sentiment d’avoir perdu un ami, proche mais rêvé, et qui n’est pas vraiment de ce monde.

mercredi 1 août 2007

Tout ce qui brille...

A propos de paillettes, voilà un poème irrésistible sur une langoureuse chatte odalisque, obnubilée par le reflet doré d’un poisson dans un bocal, et qui plonge la tête la première en essayant de l’attraper. Ce poème bien que très misogyne est affreusement drôle. Il a été écrit par Thomas Gray pour son ami (et amant) Horace Walpole à l’occasion de la noyade de l’une de ses chattes (hum). C’est à la fois un conte moral et une élégante critique sociale- le style épique appliqué à un bête accident domestique a un effet des plus comiques. A savourer, donc.


Ode on the Death of a Favourite Cat
I.
'TWAS on a lofty vase's side,
Where China's gayest art had dy'd
The azure flowers that blow;
Demurest of the tabby kind,
The pensive Selima reclin'd,
Gaz'd on the lake below.
II.
Her conscious tail her joy declar'd;
The fair round face, the snowy beard,
The velvet of her paws,
Her coat, that with the tortoise vies,
Her ears of jet, and emerald eyes,
She saw, and purr'd applause.
III.
Still had she gaz'd; but midst the tide
Two beauteous forms were seen to glide,
The Genii of the stream;
Their scaly armour's Tyrian hue,
Through richest purple, to the view,
Betray'd a golden gleam.
IV.
The hapless Nymph with wonder saw:
A whisker first, and then a claw,
With many an ardent wish,
She stretch'd, in vain, to reach the prize.
What female heart can gold despise?
What cat's averse to fish?
V.
Presumptuous Maid! with looks intent
Again she stretch'd, again she bent,
Nor knew the gulph between;
(Malignant Fate sat by, and smil'd.)
The slippery verge her feet beguil'd;
She tumbled headlong in.
VI.
Eight times emerging from the flood,
She mew'd to every watery God,
Some speedy aid to send.
No Dolphin came, no Nereid stir'd:
Nor cruel Tom, nor Susan heard.
A favourite has no friend.
VII.
From hence, ye beauties, undeceiv'd,
Know, one false step is ne'er retriev'd,
And be with caution bold.
Not all that tempts your wandering eyes
And heedless hearts, is lawful prize;
Nor all, that glisters, gold.

Thomas Gray (1716-1771)

Pour la petite histoire, la chatte a trouvé la mort à Arlington Street. Apres le décès de Thomas Gray, Walpole plaça le vase en question sur un piédestal à Strawberry Hill, son petit bijou gothique, avec une plaque sur laquelle il avait fait graver la première strophe de ce poème. Racheté en 1842 pour £42 par le grand-père du comte actuel, la vase se trouve aujourd’hui à Knowsley, chez Lord Derby. Ca vaut bien un pèlerinage!

mardi 31 juillet 2007

Donnez des paillettes à une jeune folle, et elle se prendra pour une fée.

Londres a un effet sournois sur la gente féminine. Tout y est si excessif, tellement éloigné de moi, que je m’y suis sentie a l’abri, enveloppée dans sa différence qui ne m’était rien. Jusqu’au jour où je me suis jetée à corps perdu sur un sac qui éclipserait en moins de deux les chromés or quasi-kowétiens du Procope, en criant : c’est beauaueauauuu.

Au départ, Londres s’est tenue à carreau. J’y suis arrivée sombre et coite, petite fourmi toute pétrie de sage coquetterie parisienne. Mon petit parapluie noir d’étudiante se coordonnait à merveille avec mon petit manteau noir et, si le temps s’y prêtait, avec mon autre manteau noir- à boutons bleus celui-là. Londres m’a reniflée et s’est éloignée avec dédain. Autour de moi, des fées clochett
es potelées arborant de la quincaillerie bon marché se dandinaient, oies blanches toquées de plumes. J'en pensais beaucoup de mal, j'en pouffais de plaisir.


J’ai su que j’étais perdue quand j’ai fini dans la gouttière d’Oxford Street et quand, malgré ses odeurs, son boucan et sa populace, j’y ai vu des étoiles: ici et là, joufflues, dodues, mafflues, des fesses et des joues brillant de mille feux! Partout des dames Hortense, parfumées et enrubannées; des Bouboulinas enguirlandées et à leurs trousses, leurs Zorbas, enivrés de ce paradis artificiel. (Et de Guinness).

Maintenant, parapluie mordoré et boucles d’oreilles en strass, je suis une joyeuse brocante à moi toute seule. On pourrait m’en extorquer, des villages, pour quelques grammes de camelote miroitante.

J’ai atteint la vani
té ultime. Tout qui me plait est Bon et Bien. Je peux mixer les rayures et les fleurs à loisir, combiner l’or et l’argent dans une même tenue. Je suis reine du Bling et papesse de mon goût. Et si mon sac de cosmonaute et mes nouveaux escarpins tout droit sortis du Magicien d’Oz offensent le bon goût, j’aurai tout le temps, dans mon noir tombeau à l’impeccable sobriété, d’expier mes péchés et de demander pardon. Pardon à tous ceux que j’aurai aveuglés sur mon passage.

vendredi 27 juillet 2007

Flotte Alors!

J’étais d’humeur plutôt maussade à l’idée de passer mon été à Londres, mais on m’a dit : t’en fais pas, l’été à Londres, c’est super agréable. J’ai refait ma cruche, je les ai crus.

On nous a fait un cirque énorme avec le bourgeonnement détraqué de la flore et la fonte des ours polaires. Tout un tintouin, parce qu’on a eu 3 heures 30 de soleil en Avril. Et là, Août approche à grands pas moites, les charlatans ont remballé leur kit de chimiste météorologique pour leur migration saisonnière- probablement pour se dorer la pilule dans un coin du globe où le soleil réchauffe- aujourd'hui, 27 Juillet, j’attends encore l’été.
MAGRITTE Hagel's Holiday
Londres aquatique, c’est pas un titre qui fait vendre- c’est une blague millésimée.

Remboursez!

lundi 23 juillet 2007

Tell No One

Le deuxième film de Guillaume Canet, une adaptation du roman américain « Tell No One » de Harlan Coben, est éprouvant de bout en bout. Il est porté par l'excellent Francois Cluzet, ici hagard et meurtri, démoli par le meurtre sauvage de sa femme huit ans plus tôt et hanté par un email anonyme qu’il vient de recevoir : le visage de Margaux dans une foule, filmée en temps réel.

Cluzet est transcendé par ce rôle: chaque centimètre de son corps est tendu, comme au bord d’un précipice, comme s’il y tenait de sa vie– il doit comprendre ce qui est arrivé à sa femme avant de se laisser sombrer, et mourir d'amour. C'est donc à la fois le polar et l'histoire d'amour qui font courir Cluzet - et il fait ça très bien.


Dans le premier genre, le scénario est solide, mais aussi très émotionnel et jouxtant le sordide. Des thèmes douloureux - un tueur en série, un pédophile, des tortures à la pelle- tout fait mal, à part l’amour idéal esquissé au début. Le film a ses longueurs et ses raccourcis, quelques maladresses, comme l’utilisation de la bande son : on sent que Guillaume Canet est content d’avoir trouvé ces belles chansons qui traduisent si bien les pensées de son personnage, muré dans un silence destructeur. Mais la musique prend le pas sur le récit, comme un sous-titre chanté; et la manoeuvre est trop linéaire pour être vraiment lyrique.


Il y a aussi quelques traits forcés dans le second genre (l’histoire d’amour): l'amour de jeunesse, réincarné en flash-backs par deux enfants, encadre le film, lui conférant une aura de conte de fée qui tourne au macabre. Cet encadrement semble marteler en mode inconscient: notre amour si pur n'a pas mérité ça, pourquoi, pourquoi ? Sur fond de pédophilie, on s’achemine vers un conte moral de l’innocence perdue. C'est plus glaçant (et agaçant) que touchant- d’autant que les premières scènes du film nous montrent un couple adulte nu, énamouré, complice- une sorte d’Adam et Eve dans leur jardin d’Eden. Une allusion subtile à leur lien d’enfance aurait suffit- ce couple-là, charnel et solaire, n’a vraiment pas besoin du passé pour légitimer son présent. Le sentimentalisme réduit l'ampleur humaine du drame et lui donne un côté étouffant de fable.

Ca n’est pas un mauvais film, c’est d’ailleurs un film que j’ai essayé très fort d’aimer, mais il y a quelque chose d’embarrassé dans le processus, comme deux genres cinématographiques qui se seraient rencontrés, et marcheraient côte à côte sans s’adresser la parole. Une certaine raideur dans la combinaison et une sensation omniprésente de paradis perdu m’a fait froid dans le dos, malgré toute la bonne volonté (patente) et le talent des acteurs et du jeune réalisateur.