lundi 10 septembre 2007

La misère est moins pénible au soleil



Pendant mon voyage en Grèce (lointain souvenir de jours meilleurs), je suis tombée rudement malade. Mais attention, j’ai bien choisi mon lieu : la luxuriante Naxos sur les rives de laquelle ce salopard de Thésée avait abandonné Ariane. Une fois arrivée dans ce port paradisiaque, je fus donc terrassée par la fièvre.

Parce que le soleil tapait trop fort, parce qu’il y avait une petite brise, parce que je voulais absolument porter ma robe de nymphe, parce que je suis une coquette petite nature,
parce que je le vaux bien.

Mais je m’écroulai avec dignité, non pas sur les rives, mais dans la charmante suite du non moins charmant hôtel Château Zevgoli, perdu dans le dédale de la vieille ville, avec vue sur la porte d’Apollon et un balcon en prime.



Je me faisais escorter sur la terrasse, on m’apportait des fruits et des livres.
L’homme chassait le petit déjeuner, et je souffrais sous le soleil ...
Une vraie petite Sissi des Iles Convalescentes.

Je lisais à l’époque « Dîner avec Perséphone », un récit de voyage, distrayant et très érudit, écrit par l’Américaine Patricia Storace lors de son séjour en Grèce. Elle avait visité Naxos et avait elle aussi souffert, il y a dix ans, des mêmes symptômes que moi après avoir quitté l’île.
S’en suit ce passage hilarant et très très révélateur sur l’âme grecque (et TOUT le bassin méditerranéen):

I am back on schedule, after a bout of flu – or of nothing, according to the Greek diagnosis. I had cancelled a dinner since I was sick, and the hostess asked me, “What are your symptoms?” Coughing, body ache, sore throat, clogged nasal passages, fever. “How many degrees?” she said. A hundred and one, I answered. “and what is normal on a Fahrenheit thermometer?” Ninety-eight-point-six, I said, feeling too feverish for all this medical inquiry. “Oh, then you don’t have fever,” she said. “Don’t I?” I said weakly. “No”, she said, “fever would be much higher, a hundred four, or a hundred five.” So I learned that in order to qualify as Greek fever, you must in fact be dying, your brain cells on the point of being comfortably medium rare. In fact, I’m not entirely sure there is such a thing as illness in Greece. Illness is what has killed someone. Life is suffering, illness is death.

* Il faut rendre à Racine ce qui est à Racine.
"Ariane, ma sœur, de quel amour blessée
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée !" (Phèdre, I, 3, v. 253-254)


5 commentaires:

Magda a dit…

Ah ah. Interesting point of view. Tout se vaux : les petits gâteaux grecs font oublier bien vite qu'on peut mourir un jour. t'as goûté les kourabiedes? Putain, c'est bon! Comme dirait notre ami Racine : "Cachez ce kourabiedes que je ne saurai voir / Ou la boîte entière je dévorerai ce soir". C'est à chier, pardon, JR (ben oui Jean Racine, ça fait JR)

Magda a dit…

Tout se VAUT, pardon encore, JR.

P. a dit…

Ca me dit rien, tes petits gateaux... Mais j'ai tant souffert, j'etais delirante, j'ai failli clamser.
Je ne peux pas m'en tenir rigueur.

Anonyme a dit…

J'adore la Grèce! Je suis tombée malade moi aussi quand j'y suis allée, c'était juste un rhino mais sous 40°C au soleil!

MMSG a dit…

très bien la photo et le texte (à peine) inspiré de Racine. Le soleil a frappé fort mais l'esprit littéraire a ardemment lutté, bravo!