‘O moses what a precious lot
Of beautiful red hair they’ve got!
How much their upper lips do pout!
How very much their chins stick out!
Du Maurier, Punch
J’y suis allée en battant des cils. Tate Britain, 11h30, un jeudi. Je me croyais plus intelligente que tout le monde: j’évitais le weekend, la foule, les touristes, les mioches, les râleurs, les extasiés, les enthousiastes, les retraités et les inéluctables qui, inéluctablement, se remémorent les meubles de leur grand-mère en regardant les vieilles toiles.
Eh bien, cher lecteur, je n’ai pas raté mon coup.

Ils étaient
tous là.
Depuis, j’ai lu dans une revue respectable qu’aimer les préraphaélites est
intrinsèquement anti-cool. C’aurait été chouette d’être prévenue AVANT.
Avant de me retrouver coincée entre des chaussettes à sandales,
des fauteuils roulants en folie et des grappes de quinquagénaires libidineux.
...
N’empêche, ma Cour des Miracles et moi, on aime notre Millais.
Et on a plein de choses fantastiques à en dire.
Cherry Ripe 1879

Ophelia 1851-2

The Proscribed Royalist 1651, 1853

The Blind Girl 1854-6


Après l’étude en détail du premier précèpte de cette joyeuse confrérie (Avoir des idées personnelles et originales à exprimer, ndlr), je nous propose d’entamer l’analyse de la deuxième déclaration fondatrice du mouvemement:
Étudier la nature attentivement de manière à savoir comment la rendre en art(Autrement connue sous le nom de Non-Mouvement Absolu et Sans Appel, re-ndlr)
Sa flore est effectivement extrêmement détaillée. Je pense que Millais, ce charmant acharné, n’a pas laissé une feuille, sacrifié la moindre tige, ni abandonné une traître épine au hasard, et je crois sincèrement que, branches et mousses confondues, ils se tutoyaient tous en se tapotant l’épaule virilement.
Mais c’est
vrai qu’elle s’embourbe, l'Ophélie.
Et dans un décor au moins aussi naturel que les studios des Feux de l’Amour.
Hearts are Trumps: Portraits of Elizabeth, Diana, and Mary,
Daughters of Walter Armstrong, Esq. 1872Je me demande d’où lui venait cette lourdeur, ce confinement, cet amour inouï du statique.
Une salle surexcitée tournée vers des toiles figées. Les tableaux de Millais le sont particulièrement : touffus, chargés, compacts, étouffants. Et le contraste entre ces deux extrêmes pareillement denses - la horde en sandales et les regards rêveurs de jeunes filles fleuries- m’a donné envie de me jeter dans la Tamise.
Finalement, j’ai opté pour un burger.
Le meilleur de Londres.Parce que l’art, c’est bien beau les amis, mais ça ne nourrit pas ses fans.
( Et pour en finir, je dois avouer m’être très mal comportée vis à vis de la troisième règle préraphaélite:
Être favorablement disposé à l'égard de ce que l'art a produit jusqu'à présent de direct, de sérieux et de sincère.
Pardonnez-moi mon Frère mais j’étais fatiguée)