mardi 31 juillet 2007

Donnez des paillettes à une jeune folle, et elle se prendra pour une fée.

Londres a un effet sournois sur la gente féminine. Tout y est si excessif, tellement éloigné de moi, que je m’y suis sentie a l’abri, enveloppée dans sa différence qui ne m’était rien. Jusqu’au jour où je me suis jetée à corps perdu sur un sac qui éclipserait en moins de deux les chromés or quasi-kowétiens du Procope, en criant : c’est beauaueauauuu.

Au départ, Londres s’est tenue à carreau. J’y suis arrivée sombre et coite, petite fourmi toute pétrie de sage coquetterie parisienne. Mon petit parapluie noir d’étudiante se coordonnait à merveille avec mon petit manteau noir et, si le temps s’y prêtait, avec mon autre manteau noir- à boutons bleus celui-là. Londres m’a reniflée et s’est éloignée avec dédain. Autour de moi, des fées clochett
es potelées arborant de la quincaillerie bon marché se dandinaient, oies blanches toquées de plumes. J'en pensais beaucoup de mal, j'en pouffais de plaisir.


J’ai su que j’étais perdue quand j’ai fini dans la gouttière d’Oxford Street et quand, malgré ses odeurs, son boucan et sa populace, j’y ai vu des étoiles: ici et là, joufflues, dodues, mafflues, des fesses et des joues brillant de mille feux! Partout des dames Hortense, parfumées et enrubannées; des Bouboulinas enguirlandées et à leurs trousses, leurs Zorbas, enivrés de ce paradis artificiel. (Et de Guinness).

Maintenant, parapluie mordoré et boucles d’oreilles en strass, je suis une joyeuse brocante à moi toute seule. On pourrait m’en extorquer, des villages, pour quelques grammes de camelote miroitante.

J’ai atteint la vani
té ultime. Tout qui me plait est Bon et Bien. Je peux mixer les rayures et les fleurs à loisir, combiner l’or et l’argent dans une même tenue. Je suis reine du Bling et papesse de mon goût. Et si mon sac de cosmonaute et mes nouveaux escarpins tout droit sortis du Magicien d’Oz offensent le bon goût, j’aurai tout le temps, dans mon noir tombeau à l’impeccable sobriété, d’expier mes péchés et de demander pardon. Pardon à tous ceux que j’aurai aveuglés sur mon passage.

vendredi 27 juillet 2007

Flotte Alors!

J’étais d’humeur plutôt maussade à l’idée de passer mon été à Londres, mais on m’a dit : t’en fais pas, l’été à Londres, c’est super agréable. J’ai refait ma cruche, je les ai crus.

On nous a fait un cirque énorme avec le bourgeonnement détraqué de la flore et la fonte des ours polaires. Tout un tintouin, parce qu’on a eu 3 heures 30 de soleil en Avril. Et là, Août approche à grands pas moites, les charlatans ont remballé leur kit de chimiste météorologique pour leur migration saisonnière- probablement pour se dorer la pilule dans un coin du globe où le soleil réchauffe- aujourd'hui, 27 Juillet, j’attends encore l’été.
MAGRITTE Hagel's Holiday
Londres aquatique, c’est pas un titre qui fait vendre- c’est une blague millésimée.

Remboursez!

lundi 23 juillet 2007

Tell No One

Le deuxième film de Guillaume Canet, une adaptation du roman américain « Tell No One » de Harlan Coben, est éprouvant de bout en bout. Il est porté par l'excellent Francois Cluzet, ici hagard et meurtri, démoli par le meurtre sauvage de sa femme huit ans plus tôt et hanté par un email anonyme qu’il vient de recevoir : le visage de Margaux dans une foule, filmée en temps réel.

Cluzet est transcendé par ce rôle: chaque centimètre de son corps est tendu, comme au bord d’un précipice, comme s’il y tenait de sa vie– il doit comprendre ce qui est arrivé à sa femme avant de se laisser sombrer, et mourir d'amour. C'est donc à la fois le polar et l'histoire d'amour qui font courir Cluzet - et il fait ça très bien.


Dans le premier genre, le scénario est solide, mais aussi très émotionnel et jouxtant le sordide. Des thèmes douloureux - un tueur en série, un pédophile, des tortures à la pelle- tout fait mal, à part l’amour idéal esquissé au début. Le film a ses longueurs et ses raccourcis, quelques maladresses, comme l’utilisation de la bande son : on sent que Guillaume Canet est content d’avoir trouvé ces belles chansons qui traduisent si bien les pensées de son personnage, muré dans un silence destructeur. Mais la musique prend le pas sur le récit, comme un sous-titre chanté; et la manoeuvre est trop linéaire pour être vraiment lyrique.


Il y a aussi quelques traits forcés dans le second genre (l’histoire d’amour): l'amour de jeunesse, réincarné en flash-backs par deux enfants, encadre le film, lui conférant une aura de conte de fée qui tourne au macabre. Cet encadrement semble marteler en mode inconscient: notre amour si pur n'a pas mérité ça, pourquoi, pourquoi ? Sur fond de pédophilie, on s’achemine vers un conte moral de l’innocence perdue. C'est plus glaçant (et agaçant) que touchant- d’autant que les premières scènes du film nous montrent un couple adulte nu, énamouré, complice- une sorte d’Adam et Eve dans leur jardin d’Eden. Une allusion subtile à leur lien d’enfance aurait suffit- ce couple-là, charnel et solaire, n’a vraiment pas besoin du passé pour légitimer son présent. Le sentimentalisme réduit l'ampleur humaine du drame et lui donne un côté étouffant de fable.

Ca n’est pas un mauvais film, c’est d’ailleurs un film que j’ai essayé très fort d’aimer, mais il y a quelque chose d’embarrassé dans le processus, comme deux genres cinématographiques qui se seraient rencontrés, et marcheraient côte à côte sans s’adresser la parole. Une certaine raideur dans la combinaison et une sensation omniprésente de paradis perdu m’a fait froid dans le dos, malgré toute la bonne volonté (patente) et le talent des acteurs et du jeune réalisateur.

samedi 21 juillet 2007

Ma vie intellectuelle

Vous voulez créer votre propre émission ? Pour peu que vous ayez le bon petit vieux et un fond de placard dégorgeant de bric-à-brac, vous avec une gagnante entre les mains. Je n’ai jamais connu de peuple aussi tourné vers la propriété. Ca, et l’observation des animaux dans leur habitat naturel. On vous trouve un appart, on vous décore la maison, on vous vide le grenier, on vous remplit le frigo, on vous repeint la cuisine et vous organise vos dettes ! Pourquoi ce cocooning extrême ? Parce que les pubs ferment a 11 heures, et que l’Anglais est voué à rentrer chez lui ? Parce qu’il fait froid et noir, et que l’Anglais est un petit animal qui aime à se réfugier des intempéries au fond de son trou, qu’il a nommé maison ?

Je ne sais pas. Pour ma part, je suis un animal oisif, et j’ai passé six mois d’oisiveté à regarder la télé de façon très active. Je ne peux toujours pas vous dire où acheter une maison et à quel prix, ni comment vous débarrasser d’une tâche de pudding sur une moquette vert forêt, mais je me suis attachée à mes petits vieux, leur érudition domestique, leur passion du papier peint et leurs théories cuisinières. Comme en atteste mon petit appartement, promu du stade de nid douillet sous les toits à celui de temple tibéto-kitsch ami des plantes vertes. Il faut oser les mélanges, m’a dit la dame à la télé. C’est fait.

Vous prendrez bien un thé avant de partir ?

L'Essence du Cool

Johnny To est une perle du cinéma de gangsters hongkongais. Contrairement a John Woo, dont le symbolisme chrétien extrêmement baroque frise parfois le ridicule, To est tout en raffinement. Ses scènes d’action atteignent des sommets de zen : il y a de la contemplation et de la conscience à proximité de la mort, et les scènes de combat (filmées au ralenti) ont quelque chose de méditatif - violentes, définitives, mais filmées moins comme une succession d’actions que comme un état.

Il y a aussi du Western, beaucoup de Sergio Leone chez Johnny To. Cette influence, (le temps figé, les personnages plombés par la chaleur, la poussière, les heures poisseuses) l’a probablement aidé à s’affranchir du terrorisme de l’action : il mise sur l’anticipation, joue sur les temps morts, et ce sont ces moments mêmes, quand tout le monde (personnages et spectateurs) est tourné vers un évènement qui tarde à venir, et où il ne se passe à proprement parler rien, que les personnages et leurs liens prennent forme.

Quelques anecdotes, des taquineries, une irritation générale contre un personnage… Des scènes très éloignées du grandiose et du drame, presque burlesques et quasi-muettes. Mais c’est cette distance voulue avec l’exceptionnel qui laisse la place a une marge d’expression rare et humoristique. Elle montre l’envers du code d’honneur des Triades. Leur loyauté a beau être une obligation éthique, elle est, dans les folles équipes filmées par Johnny To, un lien mouvant, ludique, un état d’esprit.

Ses personnages sont bien trempés, les acteurs longs et fins, ultra-charismatiques, et peu importe si leur psychologie est lacunaire- ce que l’on sait d’eux suffit. Ils prennent vie dans le groupe, dans leur mission, dans leur union d’abord approximative, mais qui se renforce implicitement. En ce sens, l’action est celle de plusieurs hommes, mais d’un seul d’esprit.

Même pas mal

Bruce doit sauver l’Amerique (donc le monde) d’un redoutable hacker qui s’en prend au réseau informatique national, controlant toutes les communications, l’energie et les transports du pays. Et il doit le faire a la seule force de son poignet, puisque le gouvernement, largement dépassé par l’ampleur de l’attaque, s’agite frénétiquement et se mord la queue.

L’ennemi est polyglotte, bien coiffé et tres organisé, mais John McLane est pugnace. Il tue un helico avec une voiture, chevauche un F35 en détresse et sort indemne d’un get-apens d’auto-tamponneuses en folie.

Bruce Willis revisite le personage du heros solitaire et las, divorcé et coupé de sa famille, qui sauve le monde a tous les coups parce qu’il n’y a personne d’autre pour s’en charger. La hargne qu’il met a se débarrasser de la seule terroriste feminine est trop enflammée pour etre innocente- parade sexuelle primitive ou joute amère contre son ex-épouse? En tout état de cause, Il ne se laisse aucunement attendrir par son statut de femme et c'est peu dire que la pauvrette (qui pourtant se defend comme un beau diable) ne meurt pas de mort naturelle. En ce sens, elle est son égale, et mérite le meme acharnement que ses collegues masculins. A tueur, tueur et demi.

C’est justement son manque de scrupules et sa mécanique du reglement de comptes a mains nues dans un monde desormais virtuel qui rendent le film si plaisant. Les ingrédients du genre son utilisés a bon escient dans ce film d’action qui s’assume, et s’il ne stimule pas l’intelligence du spectateur, au moins il ne l’insulte pas. Avec son charme retro et son rythme d’enfer, c’est un divertissement qui mérite son nom.

De l'autre côté de la Manche

La première fois que j’ai mis les pieds dans un cinema à Londres, j’ai déboursé 14 euros, fait la queue entre une horde hurlante de Vikings fagotés comme des oeufs de pâques, été assaillie par 25 minutes de pub, et mise en garde contre les voleurs ssssilensssieux qui opèrent dans la ssssalle par un serpent sifflant sur l’écran géant. Je vais vous dire une chose: on paie cher son film, ici- haut - ça vous écorche le portefeuille et l’âme.

Je l'admets, j’avais fait mon ahurie: première semaine de sortie du Seigneur des Anneaux à Shaftesbury Avenue, séance de 20h, un samedi soir - il fallait être sotte comme un panier pour s’y risquer.

Mais je n’avais pas envisage, après que le ciel me soit tombé sur la tête, de le voir se redresser, ramasser sa traine et se recoller dignement au plafond, en une approximation cubiste.


En quelques mois, j'ai perdu la plupart de mes réflexes parisiens: séance ombragée dans l'après-midi, silence religieux pendant la projection, petites salles d'art et essai à St Michel, films d'auteurs argentins, coréens, iraniens, tous azimuts. J'ai perdu en raffinement, gagné en légèreté.

La joie grasse et primaire du pop corn! L'anticipation enfantine avant le mauvais film qui se fait désirer!

Depuis Londres, mes enfants - la parisienne que j'étais se retourne dans sa tombe- je suis bon public!