lundi 29 octobre 2007

L'Expo Millais - Salon Mondain


‘O moses what a precious lot

Of beautiful red hair they’ve got!

How much their upper lips do pout!
How very much their chins stick out!


Du Maurier, Punch


J’y suis allée en battant des cils. Tate Britain, 11h30, un jeudi. Je me croyais plus intelligente que tout le monde: j’évitais le weekend, la foule, les touristes, les mioches, les râleurs, les extasiés, les enthousiastes, les retraités et les inéluctables qui, inéluctablement, se remémorent les meubles de leur grand-mère en regardant les vieilles toiles.

Eh bien, cher lecteur, je n’ai pas raté mon coup.

Ils étaient tous là.


Depuis, j’ai lu dans une revue respectable qu’aimer les préraphaélites est
intrinsèquement anti-cool. C’aurait été chouette d’être prévenue AVANT.
Avant de me retrouver coincée entre des chaussettes à sandales,
des fauteuils roulants en folie et des grappes de quinquagénaires libidineux.

...
N’empêche, ma Cour des Miracles et moi, on aime notre Millais.
Et on a plein de choses fantastiques à en dire.


Cherry Ripe 1879



Ophelia 1851-2




The Proscribed Royalist 1651, 1853




The Blind Girl 1854-6



Après l’étude en détail du premier précèpte de cette joyeuse confrérie (Avoir des idées personnelles et originales à exprimer, ndlr), je nous propose d’entamer l’analyse de la deuxième déclaration fondatrice du mouvemement:

Étudier la nature attentivement de manière à savoir comment la rendre en art

(Autrement connue sous le nom de Non-Mouvement Absolu et Sans Appel, re-ndlr)

Sa flore est effectivement extrêmement détaillée. Je pense que Millais, ce charmant acharné, n’a pas laissé une feuille, sacrifié la moindre tige, ni abandonné une traître épine au hasard, et je crois sincèrement que, branches et mousses confondues, ils se tutoyaient tous en se tapotant l’épaule virilement.

Mais c’est vrai qu’elle s’embourbe, l'Ophélie.

Et dans un décor au moins aussi naturel que les studios des Feux de l’Amour.

Hearts are Trumps: Portraits of Elizabeth, Diana, and Mary,
Daughters of Walter Armstrong, Esq.
1872

Je me demande d’où lui venait cette lourdeur, ce confinement, cet amour inouï du statique.

Une salle surexcitée tournée vers des toiles figées. Les tableaux de Millais le sont particulièrement : touffus, chargés, compacts, étouffants. Et le contraste entre ces deux extrêmes pareillement denses - la horde en sandales et les regards rêveurs de jeunes filles fleuries- m’a donné envie de me jeter dans la Tamise.

Finalement, j’ai opté pour un burger. Le meilleur de Londres.

Parce que l’art, c’est bien beau les amis, mais ça ne nourrit pas ses fans.

( Et pour en finir, je dois avouer m’être très mal comportée vis à vis de la troisième règle préraphaélite:

Être favorablement disposé à l'égard de ce que l'art a produit jusqu'à présent de direct, de sérieux et de sincère.


Pardonnez-moi mon Frère mais j’étais fatiguée)

mercredi 3 octobre 2007

Treeful of Starling (Hawksley Workman)

Un album intime comme un tête à tête au coin d’une cheminée avec un troubadour,
quand dehors il fait tempête.

Hawksley Workman, auteur, compositeur et interprète canadien, est un croisement entre Freddy Mercury et Jeff Buckley, capable d'une gymnastique vocale qui ferait pâlir de rage Céline Dion.

Il nous avait habitués à un style furieusement glam-rock, ultra-saturé, et des morceaux dévergondés aux rythmes décoiffants (Striptease et Jealous of your Cigarette, dont le titre farfelu rend à peine justice au souffle débridé qui habite la chanson). Après avoir vendu son âme à Universal en 2003 avec le populaire mais décevant Lover/Fighter, ce showman excentrique revient à ses origines folk et signe un album à la poésie intemporelle, Treeful of Starling (2006), une série d’hymnes dédiés à « une planète mourante et une culture en décrépitude».


J’ai attendu l’automne pour l’écouter, et je le découvre cet après-midi à la grisaille presque hivernale. La voix chaude du chanteur m’enrobe comme une large couverture, et les chansons s’égrènent, douces et mélancoliques. C’est une mélancolie attendrie, consolante et d’une poesie évocatrice. Car Hawksley Workman est un poète qui forge ses textes avec minutie, un véritable conteur qui donne vie à chaque mot et embarque ses auditeurs dans un voyage autour de leur chambre. La musique est ici dépouillée de ses artifices et les mélodies sont impeccables. Reste son timbre de voix absorbant. Chanteur épique des passions intérieures, avec lui, le temps se fige et le monde devient mythe.

Neuf ballades plus tard - silence.

L'album est court comme une parenthèse rêvée. Apres l’avoir écouté, j'ai dû regagner la frénésie ambiante, la tête dans les nuages, avec le souvenir encore chaud d’un paradis perdu.






Des problèmes de cheveux? C'est par .