dimanche 9 décembre 2007

Hell hath no fury

Bon, alors à force d’entendre parler de livres partout par une bande de jolies snobinardes (Magda en tête de file), je me suis dit: merdouille, je ne suis ni gueuse ni illettrée, moi aussi je peux causer bouquin.

Avant d’entamer ce billet, je dois faire un aveu embarrassant :


Plus, plus vite, plus gourmand.

C’est délicat.

Je suis le chat du 5ème étage, répandu sur ses coussins sous les toits. Mon fauteuil a vue sur la lune, et je me traîne La Terre Sous ses Pieds de Salman Rusdhie depuis 2 mois, 20 jours et beaucoup de poussière. La Gravité, mes amis, me laisse la mâchoire pendante.

Oh, il a voyagé ce livre- il a vu le jour à Londres, il a visité Paris et l’Andalousie- il me suit fidèlement dans mes pérégrinations oisives. Mais ça n’est pas un homme, sacrebleu, c’est un livre! C’est censé se commencer et se finir.

Bien entendu, de nombreuses raisons tout à fait honnêtes et terriblement rationnelles expliquent ma lenteur :

- J’adore lire au lit. Malheureusement, ma relation au lit est très littérale : quand j’y suis, pathologiquement, je m’endors.

- Je n’ai pas été fidèle à Salman, dont l’intensité m’a effrayée. J’ai eu quelques conversations amoureuses avec un Artiste (descendant l’escalier, Tom Stoppard), et fait les yeux doux au mari d’une autre (May we borrow your husband?, Graham Greene). Ce sont donc mes mœurs légères et mon absence totale de morale qui sont à blâmer. PAS ma lenteur.

- J’aime tellement ce roman que je retarde le moment d’arriver à la dernière page. Cette odyssée du rock au style flamboyant, cette nouvelle mythologie délirante qui naît sur les cendres de légendes passées est une aventure formidable. Je prends mon temps.

- Aussi, il fait 575 pages, sans images.

Alors si ça fait de moi une lectrice tortue, j’assume.

Sauf qu'entre temps, le Banquier a englouti - ça:



Comme tu n’es pas sot, lecteur, tu as bien vu qu’il lit que des conneries, le Banquier (pardon Raymond, mais ma crédibilité dépend de cette généralisation).
L’insoutenable légèreté d’être à Aberystwyth, vraiment.


A la limite, je m’en moque, et j’admettrais même sans moufter que Buzz l’éclair soit plus vorace que moi s’il n’avait pas la condescendance belliqueuse.









Il a dit ça. C’était le mardi 13 Novembre 2007, il faisait 11 degrés et tempête.

Mais ça n’est pas tout. Parce que les Banquiers, ça se promène en grappes. C’est solidaire, ça veut montrer que ça a de la culture, et ça devient ARROGANT.

Banquier A a donc, parmi sa grappe, un ami (que nous appelleront B, car nous sommes, bien que rancuniers, charitables et respectueux de l’anonymat d’autrui). B m’envoie un texto pour me suggérer un livre, irrévérencieux et drôle. (L’Elégance du Hérisson, quelqu’un connaît ?)

Je lui envoie aussitôt un message, aérien, futile… frivole. Bon ok, un message vain, mais plein d'auto-dérision. Je souhaiterais emprunter le livre, si possible- je n’ai plus l’habitude, écris-je, de débourser de l’argent pour autre chose que des petits souliers à paillettes.

Je m’attends à une réponse amusée, complice, taquine - ma foi en la Banque et ses Créatures est grande (et furieusement injustifiée, nous l'allons montrer tout à l'heure).
Je reçois :

« On ne peut pas jurer par le dieu Littérature et ne faire d'offrandes qu'à la déesse Mode.”

A ces brutes en vadrouille, ces néo-hommes des bois sans mâchette à souris, je n’ai qu’une chose à dire:




Voici des oeufs, des fleurs, des pompes et des branches
Et puis voici mon coeur qui ne bat que pour vous

Ô Wenchangdijun.


vendredi 7 décembre 2007

Ode à Gontran

Je l'ai reconnu dès que je l’ai vu.

Ce jour-là, je fêtais mes 25 printemps. Je venais de lâcher mon boulot de prof et j’étais plus légère de 150 bambins –volatile– un vrai ballon à hélium. C’était l’été, un mois de Juin chaud et enrobant, et mes petits pas réchauffés, comme des oisillons au soleil, m’avaient amenée à Camden.

Dans la horde joyeuse, mi-hippie mi-punk, je l’ai vu. Au fond d’une boutique, dans le marché couvert. La pièce était pleine de bric-à-brac, mais on ne voyait que lui. Il avait quelque chose de terriblement distingué, un rien désuet, et le regard de Blaise Cendrars. Un manteau flamboyant, une extravagance nonchalante. J’ai beaucoup voyagé, j’ai vécu- semblait-il dire. Je suis prêt à me poser.

Il m’a fait un clin d’œil, je jure que c’est vrai. C’est là que j’ai abandonné mari et enfants (sur le pavé) net. Et j’ai couru me jeter sur ses genoux.

Voilà, je peux m’en vanter. C’est moi qui ai fait de lui ce qu’il est aujourd’hui. Je l’ai trouvé dans la rue, orphelin, mal aimé. Je l’ai couvert d’amour et de mots tendres. Mon affection a nourri son âme, lissé son pelage, lui a restauré sa splendeur d’antan. Il a rosi sous mon regard amoureux.

Je l’ai ramené chez moi, et depuis je le zyeute tous les jours avec extase, j’en perd tout sens critique, comme une maman poule gaga devant son mouflet.


Je l’ai acheté 130 euros. Gontran, c’est le plus beau de tous les fauteuils.




Là, il attend le bus avec Slash. C’est le début d’une amitié magnifique.


Non content d’être beau, Gontran est un fauteuil magique. Quand on s’y pose, on découvre monts et merveilles. Les Bisounours, le Dôme du Plaisir et tout Xanadu surgissent d’une sieste avec lui. On y voit le ciel, les avions qui partent de Stansted, mais aussi,


comme un point collé au carreau d’une fenêtre,


la lune.




Et parfois même un arc-en-ciel.


Tout le cosmos pour £100. C'est donné, non?