samedi 2 novembre 2013

Flau-beurk


Depuis quelques jours, je procrastine avec acharnement et un zèle de converti. J'ai un guide touristique à écrire, trois semaines pour le faire, et ma mission, si je l'accepte, est d'attendre le dernier instant possible avant de m'y atteler. Je traîne ma mauvaise volonté, empyjamée dans mes appartements, du matin au soir - pourquoi me défaire de mes atours nocturnes puisqu’il faut bien y revenir ?

Cette belle logique me mènera loin.



Je regarde des séries comme si ma vie en dépendait et ne bouge pas d'un pouce.
Je suis l'ankylose faite femme.
                  Je suis écrabouillée de fatigue
et une flemme absolue me terrasse comme Saint Georges le dragon.



Bref, je n’ai aucune envie de travailler.

J’ai si peu envie de travailler que je me suis mise à lire Flaubert. Pourtant, j'ai fui Flaubert comme la peste pendant 30 ans. J’ai reculé comme une lâche face à ses poussiéreux volumes et débordé de créativité pour échapper à sa prose grandiloquente.  Un tel historique, ça crée des liens, on finit par s’attacher. Il y a quelque chose de réconfortant dans la haine familière que l’on porte à ses ennemis.
Mais même la perspective de Salammbô me semblait moins terrassante que l’idée 
de gagner honnêtement ma vie. 




La Haine : Génèse 

Tout a commencé à l'école quand, après avoir lu Un cœur simple et failli y rester, j’ai décidé que l’auguste Gustave ne serait pas mon ami de coeur. Je l’ai viré de mon lit, jarté de mes étagères, et commencé à cultiver envers lui une haine mythologique. 

Une littéraire qui n'aime pas les Classiques. J'étais l'antéchrist.

L’idée de Madame Bovary me rendait suicidaire, j'ai donc choisi de vivre. A la fac, j’ai préféré ingurgiter 4 ouvrages d’analyse de l’Education Sentimentale plutôt que me frotter au roman. (Cette stratégie - fort débile - m’a value une excellente note et donc confortée dans l’idée - fort débile - que la dépense frénétique d’une énergie inutile vaut mieux qu’une bête efficacité. J'en paie encore le prix fort).  

Toute ma vie, le mot Salammbô a sonné pour moi comme une mort violente par maladie tropicale. J’imaginais un roman dont seule la pompe éclipserait la lenteur, et, ne disposant pas du fier tempérament nécessaire à en subir les 400 pages, je me voyais crever d’ennui et de rage à la page 6.

« Le nom seul de mon roman m'emmerde jusqu'au fond de l'âme. »
Gustave Flaubert, 18 juin 1862

Mais hier, lasse de la langue anglaise, j’ai eu la soudaine envie de me plonger dans ce que je connais de plus français - cette fierté nationale que l’on nomme Gustave. Je l'ai trouvé trônant dans toute sa splendeur sur la plus haute étagère de la bibliothèque maternelle. J’en ai lu 40 pages, et tu seras ravi d’entendre, cher lecteur, que la salammbôse ne m'a pas emportée. Elle m'a doucement bercée et menée, à pas feutrés, dans les bras musclés de Morphée.

En m’endormant, j’imaginais Flaubert dans son gueuloir, 
s’égosillant à trouver le mot juste avant de le figer dans ses tirades ampoulées, 
pour le plus grand bonheur de la postérité et des insomniaques du futur.

J'ai dormi comme un bébé.