lundi 23 juillet 2007

Tell No One

Le deuxième film de Guillaume Canet, une adaptation du roman américain « Tell No One » de Harlan Coben, est éprouvant de bout en bout. Il est porté par l'excellent Francois Cluzet, ici hagard et meurtri, démoli par le meurtre sauvage de sa femme huit ans plus tôt et hanté par un email anonyme qu’il vient de recevoir : le visage de Margaux dans une foule, filmée en temps réel.

Cluzet est transcendé par ce rôle: chaque centimètre de son corps est tendu, comme au bord d’un précipice, comme s’il y tenait de sa vie– il doit comprendre ce qui est arrivé à sa femme avant de se laisser sombrer, et mourir d'amour. C'est donc à la fois le polar et l'histoire d'amour qui font courir Cluzet - et il fait ça très bien.


Dans le premier genre, le scénario est solide, mais aussi très émotionnel et jouxtant le sordide. Des thèmes douloureux - un tueur en série, un pédophile, des tortures à la pelle- tout fait mal, à part l’amour idéal esquissé au début. Le film a ses longueurs et ses raccourcis, quelques maladresses, comme l’utilisation de la bande son : on sent que Guillaume Canet est content d’avoir trouvé ces belles chansons qui traduisent si bien les pensées de son personnage, muré dans un silence destructeur. Mais la musique prend le pas sur le récit, comme un sous-titre chanté; et la manoeuvre est trop linéaire pour être vraiment lyrique.


Il y a aussi quelques traits forcés dans le second genre (l’histoire d’amour): l'amour de jeunesse, réincarné en flash-backs par deux enfants, encadre le film, lui conférant une aura de conte de fée qui tourne au macabre. Cet encadrement semble marteler en mode inconscient: notre amour si pur n'a pas mérité ça, pourquoi, pourquoi ? Sur fond de pédophilie, on s’achemine vers un conte moral de l’innocence perdue. C'est plus glaçant (et agaçant) que touchant- d’autant que les premières scènes du film nous montrent un couple adulte nu, énamouré, complice- une sorte d’Adam et Eve dans leur jardin d’Eden. Une allusion subtile à leur lien d’enfance aurait suffit- ce couple-là, charnel et solaire, n’a vraiment pas besoin du passé pour légitimer son présent. Le sentimentalisme réduit l'ampleur humaine du drame et lui donne un côté étouffant de fable.

Ca n’est pas un mauvais film, c’est d’ailleurs un film que j’ai essayé très fort d’aimer, mais il y a quelque chose d’embarrassé dans le processus, comme deux genres cinématographiques qui se seraient rencontrés, et marcheraient côte à côte sans s’adresser la parole. Une certaine raideur dans la combinaison et une sensation omniprésente de paradis perdu m’a fait froid dans le dos, malgré toute la bonne volonté (patente) et le talent des acteurs et du jeune réalisateur.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai trouvé ce film très bien, mais si TRES compliqué. Mais le tout reste spectaculaire. Sauf les retrouvailles, un peu trop happy end :$