vendredi 21 septembre 2007

Les Hydropathes


Hydropathes, chantons en cœur

La noble chansons des liqueurs
Charles Cros

William Hogarth. An Election Entertainment. 1755



Pour un peuple insulaire et si fréquemment arrosé, les Anglais ont choisi une drôle de phobie. J’ai nommé, leau.

Ami des paradoxes, l’Anglais s’imbibe très régulièrement, mais exclusivement de bière. L’être massif et pâlichon à l’humour embarrassé disparaît subitement, et il naît alors une drôle de créature hâbleuse, rougeaude et furieusement bruyante.

Je suis un tantinet mauvaise, mais je force à peine le trait. C’est très simple au fond : il y a un mode ON, et un mode Off.


La semaine dernière, tous mes collègues sont allés au pub pour leur rituel du vendredi soir. On boit, on drague, on s’écroule en famille- c’est très fin de race, un sport hebdomadaire et consanguin. J’y suis allée pour le départ d’une amie, et j’en ai eu pour mon argent. En l’espace de quelques heures, j’ai vu tout le système hiérarchique du bureau et le concept de dignité humaine voler en éclats. Ca se trémoussait, ça se languissait d’amour, ça faisait sa parade amoureuse. Les commérages allaient bon train, inventés de toute pièce.

J’y suis allée armée de mes deux meilleurs collègues, une douce Janine au tempérament serein et un jeune albanais charmant et roublard. On se paie à boire, on s’assoit gentiment à une table avec vue, et, paresseux et fauchés, on se dit que la montagne viendra forcément à Mahomet.

La montagne ne se fait pas désirer, et nous apparaît sous la forme improbable de…


Mon Boss



Un schtroumpf célibataire (1,50m les bons jours) qui a mis sa plus belle robe pour aller danser. Il a 2 heures et 3 pintes d'avance sur nous. Il porte un chapeau de cowboy, un manteau en cuir brun qui lui arrive aux chevilles, et ne lâche pas son jouet fétiche: un pistolet à eau jaune miniature.


C’est un petit bouchon qui drague tout ce qui bouge. Il a l’air présentement très attiré par mon Gin&Tonic.
Il s’en approche dangereusement et murmure un drôle de commentaire sur les glaçons dans mon verre, tout en jouant avec son pistolet.


Je manque m’étrangler sur mon glaçon et cours me réfugier dans les jupons de



Mon Collègue Colombien


Avec de l’alcool, ce grand beau garçon est devenu Mère Razoire. Il me parle de ses buts professionnels, ses espoirs, sa couleur préférée et le nombre d’enfants qu’il veut avoir. Il est très précis, m’explique le pourquoi de son comment, et étaie chaque déclaration d’une anecdote explicative.

Puis il pose, avec la plus grande bienveillance alcoolisée (c’est à dire avec une mièvrerie dégoulinante) des questions sur ma vie à moi, personnellement. Mes buts, ce que je pense du mariage, la famine, ma carrière , les pandas...


Je suis au bord de la crise de nerfs,
alors je lui tourne le dos et me retrouve face à face avec…




La soeur Dudit Collègue


Maria, une grande fille sympa, biologiste de formation. Elle a le physique d’une petite fille un
peu costaude, qui aurait grandi d’un coup.

Avec ses drôles de proportions, elle me tombe dans les bras quand je lui donne mon age (26 ans) parce que, tiens-toi bien: elle aussi a 26 ans!
Le monde est petit, et moi aussi, écrasée par son grand format.

En plus, elle adoooooore le français. Elle n’y comprend nicht, mais quand elle m’entend parler, ça lui donne des frissons. Et maintenant qu’on est copines, elle demande à mon petit Albanais si on est un couple. Devant moi. En utilisant la troisième personne. Parce que le bruit court que..


Légèrement embarrassé, il lui dit non. Sur quoi elle décrète en me regardant droit dans les yeux qu’elle déteste les copines jalouses et demande avec un sourire innocent (mais une gestuelle TRÈS assurée) si elle peut lui mettre la main sur la cuisse. Je reste coite, l'Albanais prend peur. Elle s’exécute sans attendre de réponse.


Là, je me dis que je suis de trop, et pas tout à fait de taille, alors je bondis comme un beau diable sur…



L’Illuminé

Il revient d’Espagne, il a aaaadoré. C’est merveilleux, l’Espagne. Les Espagnols sont beaux, sympas, vraiment cool. Les gens savent vivre là-bas, faire la fête, pas comme ici. D’ailleurs il est en train de mettre de l’argent de côté pour y retourner, est-ce que j’y suis déjà allée ? Non? Dommage ! Il faudrait vraiment que j’y aille, c’est dingue comment on se sent interpellé par une culture différente et une langue etrangère, on a vraiment de la chance d’être en vie, tu trouves pas ? Ce matin, sous la douche, je pensais à…


Du coin de l’œil, je distingue une forme pâle qui s’agite fébrilement.

Est-ce un fantôme, est-ce un avion, est-ce un nuage ? Non, c’est…


Le poisson rouge

Blond-roux, lourdaud mais gentil. Il a bu, et quand il boit, Oli devient muet. Il fait des va-et-vient dans son bocal, regarde les gens avec des yeux de Merlan frit et gesticule de façon incompréhensible.
Là, il essaie de me dire quelque chose. Il flotte, écarquille les yeux, bat des nageoires. Pas un son ne sort de sa bouche. Je lui souris, je le taquine, je l’engueule. J’en viens presque à le brutaliser.

Avant de l’assommer, je tourne les talons et me retrouve face à



Un parfait inconnu

Mais non, ça n’est pas un inconnu. Lui, il connaît ma sœur. Alors, collègues ET liés par un membre de ma famille, on est doublement intime. On peut se faire la bise, quoi. Waow, on se ressemble vachement avec ma sœur, sauf les cheveux. D’ailleurs, elle est plutôt cool, hein, ma sœur. Sans blague. Un peu féroce, mais il a rien contre. Elle ne m’a pas parlé de lui ? Ah bon.
On se refait la bise ?


J’ai la tête qui tourne et je ne sais plus aller. Marre des extasiés, des muets et des bécoteurs. Je prends Janine sous un bras et tire l’Albanais par la peau du cou. On se casse. Clopin clopant, à l’air libre, on se sent rescapé d’un vaisseau de Martiens. On est aussi super soulagé d’attraper le dernier métro

...

Qui ne démarre pas.


Ah, mais le métro londonien, c’est une autre histoire, les amis.


7 commentaires:

Anonyme a dit…

Phew! J'avais peur que tu aies arreté d'écrire... Encore, encore! Plus d'aventures!

NB: imagine quand le pub s'installe dans ton bureau TOUS les vendredis!

P. a dit…

Oh, je ne savais pas que tu me lisais! Ca me fait plaisir...

Anonyme a dit…

j'aurais beau entendre cette histoire, je ne m'en lasserai pas

it's a zoo, inn'it?

Anonyme a dit…

excellent...tres realiste...pauvre boss... fz

Anonyme a dit…

Je n'ai pas vraiment encore testé les Pubs, du moins pas de cette maniére!

Anonyme a dit…

J'adore, c'est très drôle, j'ai l'impression d'y être, il nous en faut encore et encore des histoires comme ça

Magda a dit…

ton blog est devenu tellement beau qu'à côté, le mien a l'air d'avoir été designé par Mamie Nova, non?
;-)